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QUI EST-CE QU-ON OPÈRE ?

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On peut discuter de la chirurgie si une kinésithérapie bien conduite n’est pas arrivée a vous rendre une épaule confortable. La définition même de ce qui est confortable varie largement d’une personne à l’autre. Certains patients sont contents de ne plus avoir mal au repos et décident de s’en arrêter là. Y en a d’autres qui ont du mal a réaliser le lancer vertical pour la pêche à la mouche et ils déclarent le résultat un échec, même si le reste du temps ils n’ont pas mal. Il y a également des patients qui n’ont obtenu qu’un soulagement partiel ou temporaire. A priori, si vous vous déclarez insatisfaits du résultat, on discutera la chirurgie.

 

Chez les patients jeunes ou actifs, nous discuterons la chirurgie d’emblée, sachant que même si suite aux séances de kinésithérapie ils n’ont plus mal, leur lésion va probablement progresser rapidement et quand ils retourneront nous voir quelques années après, nos options seront beaucoup plus limitées.

 

Afin qu’on puisse vous opérer, il faut impérativement que le muscle du tendon rompu soit en bon état.

 

La chirurgie ne guérit pas la douleur. Nous sommes des mécaniciens en quelque sorte et notre boulot consiste a réparer. Mais rappelez vous ce qu’il vous emmène en consultation chez le chirurgien – c’est la douleur, pas le fait que votre IRM n’est pas belle.

 

Or c’est pas la rupture du tendon qui fait mal, c’est le tissu inflammatoire que vous accumulez et entretenez au niveau de l’espace sous acromial, parce que le muscle qui est attaché à ce tendon n’arrive plus a faire son travail et empêcher la tête humérale de monter. Le tendon n’est finalement qu’une corde qui attache un muscle à un os. Alors on répare le tendon afin que le muscle puisse se contracter et faire ce qu’il est censé de faire.

 

Mais alors, si il n’y a plus de muscle? Ça ne servira à absolument rien de réparer son tendon, vous n’allez pas récupérer la fonction, le tissu inflammatoire restera d’actualité au niveau d’une bourse sous acromiale sous compression et après une anesthésie, une opération, des semaines d’immobilisation et des mois de kinésithérapie votre épaule sera toujours pareil.

 

On peut perdre le muscle au bout de quelques années de rupture tendineuse qui n’avait pas été réparée. Tous les tissus du corps humain sont sujet à un renouvellement continu. Si le muscle n’est plus utilisé, dans un premier temps le volume des fibres musculaires va diminuer. On parle de l’atrophie musculaire qui est parfaitement réversible une fois qu’on remet le muscle au travail.

 

Si la période de non usage persiste, votre organisme décidera à partir d’un moment de ne plus renouveler ses fibres et les remplacera progressivement par un tissu fibro graisseux. Ce processus, par contre, est irréversible.

 

Plus il y a du tissu musculaire remplacé par ce tissu fibro graisseux, moins ce muscle sera capable de se contracter. Il a été estimé que si le muscle évolue au-delà de 50 % du volume de dégénérescence graisseuse, il devient inutile de réparer le tendon, car il ne fonctionnera plus.

 

Pour cette raison on demande aujourd’hui systématiquement des IRM car c’est le seul examen capable de déterminer de manière assez fiable le degré de dégénérescence graisseuse.

 

L’age n’est plus un critère, du tout. Quand j’étais interne, on m’avait appris qu’il ne servait à rien de réparer les tendons des personnes qui avaient plus de 72 ans.

 

Il y avait quelques études qu’on avait lu de travers et on avait conclu que soit ces patients n’en avaient plus besoin, soit ils n’avaient pas si mal que ça ou que de toute façon, ça n’allait pas cicatriser. Entre temps, on est revenu dessus avec une recherche de meilleure qualité et on a constaté qu’aucun de ces arguments ne tenait la route et la contreindication avait été levée.

 

Aujourd’hui si vous avez besoin d’une réparation tendineuse nous allons seulement nous intéresser à votre muscle et pas à votre age.

 

Je vous refuserai la chirurgie si vous n’êtes pas sur de pouvoir assumer les suites post opératoires à la lettre. On attendra jusqu’à quand votre kiné pourra vous prendre en charge, jusqu’à quand vous auriez un remplaçant sur votre poste de travail ou jusqu’à quand vous auriez mal assez pour vous engager a ne pas passer le motoculteur pendant les 6 mois post opératoires.

 

L’objectif de la chirurgie est de vous réparer le tendon afin qu’il puisse cicatriser, ce qui permettra à son muscle de fonctionner selon des paramètres au plus prés de normal possible. Si, pour une raison ou autre, vous ne pouvez pas assumer les contraintes des premiers mois de la phase de cicatrisation, nous allons décider ensemble qu’il vaut mieux de ne pas s’engager sur cette voie.

La REPARATION DE LA COIFFE DES ROTATEURS

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DANS QUEL DÉLAI ?

En règle générale, il est peu probable que je vous saute dessus avec le bistouri dégainé. La progression de la dégénérescence graisseuse est un processus assez lent, alors on a largement le temps d’organiser la chirurgie et de vous permettre de vous organiser sans que cela aie un impact sur votre résultat final.

 

Il existent pourtant trois exceptions: les patients très jeunes, les ruptures traumatiques très récentes et les luxations du long tendon du biceps à travers le sub scapulaire.

 

Comme nous l’avons discuté, un tendon de la coiffe ne lâche que si il avait été préalablement affaibli par un processus dégénératif – la tendinopathie. Néanmoins, un tendon sain peut rompre suite à un traumatisme majeur, et dans ce cas la chirurgie ne peut pas attendre plus de quelques semaines.

 

Le deuxième cas ce sont les tendons qui lâchent suite à un traumatisme, sur un fond de tendinopathie, mais qui se retrouvent avec un bilan complet dans mon cabinet rapidement après la rupture, ce qui est assez rare.

 

Traditionnellement on disait que si on réparait un tendon à un mois ou à un an après la rupture, il n’y avait pas de différence réelle sur le résultat final. Il y a quelques années, une petite série d’études ont démontré que les tendons qui sont réparés pendant la période de 6 mois après la rupture, récupèrent beaucoup plus facilement que ceux qui dépassent ce délai.

 

Ce phénomène se vérifie dans la pratique. En même temps, on n’avait pas complètement tort avant, mais à l’époque on évaluait nos résultats selon le taux de cicatrisation des tendons à l’os. Or le fait d’opérer les patients pendant les 6 premiers mois n’aboutit pas nécéssairement à plus de tendons cicatrisés.

 

Ce qu’on obtient c’est une récupération plus rapide, une meilleure fonction et donc moins de douleur. Cela s’explique par le fait que le cerveau n’a pas le temps d’oublier comment on s’en servait de ce muscle et une fois qu’on lui le permet, il le fait tout à fait naturellement. Chez le reste des patients, il est intervenu le phénomène de déprogrammation qui rendra la rééducation beaucoup plus laborieuse.

 

Alors, si on se voit au bout d’un mois ou deux de votre chute avec une IRM et une radiographie déjà faites, vous êtes actif et une épaule qui fonctionne à moitié ne fera pas l’affaire pour vous, même si la kiné soulagera vos douleurs, on va probablement discuter de réparer relativement rapidement.

DE QUELS EXAMENS A-T-ON BESOIN ?

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On peut diagnostiquer avec une fiabilité relativement correcte une rupture des tendons de la coiffe juste avec une radiographie et une échographie. Si l’examen clinique est concordant avec la conclusion des deux examens, on se déclare à peu près sur de ce que vous avez comme lésions et on peut discuter du traitement médical.

 

Si on envisage la chirurgie, par contre, l’IRM devient indispensable. Rappelez vous que l’objectif de la chirurgie n’est pas d’obtenir une jolie anatomie, mais de vous rendre une épaule aussi fonctionnelle et aussi indolore que possible. Le tendon n’est que la corde qui attache le muscle à l’os et s’il n’y a plus de muscle, il est inutile d’attacher la corde.

 

L’IRM permet d’établir d’une manière assez précise l’étendue de la dégénérescence graisseuse au sein du corps musculaire, étant très prédictif pour sa capacité de redevenir fonctionnel une fois que son tendon récupérera une attache correcte.

COMMENT ON OPÈRE ?

Sous Arthroscopie, bien entendu, on est en 2020.

 

Cela suppose à introduire une caméra vidéo et des instruments par quelques petites plaies et de ne pas ouvrir le site ou se passe effectivement l’opération.

 

Au tout début de l’introduction de la technique de réparation sous arthroscopie, on regardait les quelques uns qui s’y étaient mis avec indulgence. A l’époque, on s’intéressait surtout au supra épineux et il était assez exceptionnel qu’on se casse la tête à réparer deux ou trois tendons à la fois, car on n’était pas convaincus que cela aurait eu une influence sur la douleur.

 

Les premières statistiques rapportaient des résultats tout à fait comparables pour les deux techniques et alors le consensus quasi général était que c’était un peu trop précieux de se contorsionner a le faire pendant une heure à travers trois petites plaies quand on obtenait à peu près la même chose en 20 minutes à travers une petite plaie de 5 cm, même si on ne voit pas grande chose de ce qu’on fait.

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Le développement ultérieur de la popularité de cette manière d’opérer s’était fait surtout grâce aux jeunes. Il est beaucoup plus rapide d’apprendre a réparer un tendon du supra épineux rompu par une chirurgie à ciel ouvert. On à estimé que la courbe d’apprentissage de cette technique serait de 5 cas. Pour apprendre à le faire à un niveau acceptable sous arthroscopie, on doit dépasser la barre de 200 cas, tellement que cette manière de voir ce qu’on fait et de manipuler les instruments est différente de tout ce qu’on fait le reste du temps.

 

Ça ne vient pas tout seul, il faut s’accrocher car au début c’est assez frustrant. Alors les quelques enthousiastes initiaux ont attiré quelques jeunes, qui sont enthousiastes par définition et avec le temps on s’était rendus compte qu’il n’y avait rien de comparable entre les deux manières de faire.

 

On peut voir mieux, réparer avec plus de précision, faire des bilans avec plus de finesse et s’attaquer aux sujets jusque là très difficilement accessibles. Si on se met a réparer trois tendons en même temps, avec en bonus une résection de la clavicule distale et une libération du nerf supra scapulaire, en chirurgie ouverte in finirait par ouvrir l’épaule en deux, mais sous arthroscopie il n’y aurait que 5 petites plaies avec le grand avantage d’avoir vu tout ce qu’on a fait d’un bout à l’autre.

 

L’objectif de l’opération est de fixer le tendon à l’os avec un dispositif fait des ancres, des fils et des bandelettes suffisamment bien pour qu’il y reste jusqu’à ce qu’il aura cicatrisé. On estime obtenir une cicatrice raisonnable entre 6 semaines et 3 mois et pendant cette période le muscle qui est attaché à ce tendon ne sera pas toujours au repos, or paradoxalement le plus grand danger pour la cicatrisation du tendon vient de son propre muscle. Alors il faut que ce soit bien fixé.

 

Rappelons-nous ce qui nous amène dans la situation de se faire opérer : vos tendons de la coiffe sont atteints par une tendinopathie qui les affaiblit progressivement jusqu’à la rupture, le muscle n’est plus attaché par son tendon à la tête humérale, le deltoïde parvient désormais à écraser la bourse sous acromiale contre l’acromion, elle devient inflammatoire et donc douloureuse.

 

La rupture du tendon ne fait pas mal, alors le fait de réparer sa rupture ne changera rien si le muscle ne reprendra pas sa fonction, qui se réduit à tirer sur le tendon et donc faire bouger l’os. Mais afin que ce muscle puisse tirer dessus, le tendon doit d’abord être bien cicatrisé, sinon affaibli comme il l’est par la tendinopathie il s’arrachera à travers les fils de suture et les bandelettes et on finit avec une poignée de franges qu’on ne saura réparer une deuxième fois.

 

Le problème est que ces tendons ne cicatrisent pas, ou presque pas, probablement faute de leur tendinopathie. Ses ressources biologiques sont tellement réduites que la cicatrisation devient un effort métabolique qu’il ne peut pas assumer. On a l’habitude de réparer divers autres tendons, typiquement suite à des plaies, qui cicatrisent parfaitement bien. Alors ce qu’on avait essayé en premier c’était de faire pareil que pour les autres et quelques semaines ou quelques mois après tout lâchait, au moins quand on les vérifiait. Au fait, si on le vérifiait avec un œil fermé, tout paraît aller bien mais des qu’on se mettait a regarder d’une manière plus sérieuse, c’était très décevant.

 

A l’époque il y avait une équipe qui prétendait obtenir un taux excellent de cicatrisation à l’aide d’une technique qui impliquait de creuser une tranchée dans le trochiter et de fixer le tendon dans l’os à l’aide des points de suture à travers l’os. Cette technique manquait tellement d’élégance à une époque ou la chirurgie arthroscopique était en plein essor et tout le monde se servait des ancres, que personne n’a eu envie de l’adopter, mais il n’empêche qu’ils avaient des meilleurs résultats que le reste.

 

On a fini par comprendre que dans leur cas c’était l’os qui faisait tout le travail de cicatrisation, ou plutôt la moelle osseuse qui regorge de l'os spongieux qui le fait.  Tant que l’objectif est atteint, peu importe si c’est l’os ou le tendon qui a fait l’effort.

 

Il a été alors trouvé une solution suffisamment élégante à notre goût, tout en évitant la tranchée disgracieuse.

 

Une fois qu’on à introduit la caméra, on prend deux minutes pour faire notre bilan, car ce que l’échographie et l’IRM montrent, n’est pas nécessairement exact et il nous arrive fréquemment de retrouver d’autres lésions. Quoi qu’on y trouve, tout sera réparé pendant la même intervention.

 

Puis on va enlever une grande partie de la bourse sous acromiale afin de pouvoir voir ce qu’on fait. L’ablation de la bourse sous acromiale sert également à se débarrasser du tissu inflammatoire qui est responsable pour la douleur, mai également a désensibiliser la zone, vu qu’elle contient la plus grande densité de récepteurs nerveux à ce niveau.

 

Ainsi, il n’y aura plus des terminaisons nerveuses pour transmettre la douleur à ce niveau.

 

Ensuite on va nettoyer les franges du tendon qui sont restées sur l’os car le tendon ne s’arrache pas de l’os, il se déchire tout près de son insertion. On va faire la même chose pour le moignon du tendon attaché au muscle, jusqu’à quand on retrouve une zone de tissu qui semble propice pour la réparation.

 

C’est à ce moment qu’on va s’attaquer à la solution élégante dont je vous parlais tout à l’heure. A l’aide d’une fraise motorisée, qui bien heureusement ne fait pas le même bruit que chez les dentistes, on va enlever quelques millimètres d’os cortical afin de retrouver l’os spongieux qui se trouve dessous. Comme son nom l’indique, l’os spongieux ressemble à une éponge raide qui baigne dans la fameuse moelle osseuse. C’était ça le secret, c’est la moelle qui rend possible la cicatrisation avec toutes ses cellules souches et ses facteurs de croissance. Quoi qu’on va coller dessus cicatrisera, même un tendon rongé par la tendinopathie.

 

Les vidéos ci dessous vous montrent ce qu’on fait ensuite : on plante des petites ancres en plastique résorbable ou pas, qui servent à amarrer des bandelettes et des fils à l’os, puis on les passe à travers le tendon et on le plaque sur la surface osseuse qu’on vient de préparer.

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Ce dispositif doit être suffisamment solide pour tenir pendant plusieurs mois jusqu’à ce que le tendon finira de cicatriser, les points et les nœuds doivent permettre une distribution égale des contraintes que ce muscle risquera d’apposer malgré toutes les précautions sur le tendon et le tendon doit être bien applique sur l’os spongieux afin qu’il puisse y cicatriser. Je le dis toujours, mais on vient de voir qu’en réalité c’est l’os qui cicatrise au tendon.

 

Les caractéristiques des ancres, des fils et des bandelettes font l’objet d’un débat continu mais on s’approche aujourd’hui d’un niveau de performance des matériaux tout à fait honorable. Ce qui fait la différence c’est la manière dont on applique le tendon.

 

Il existent deux types de techniques de réparation avec des multiples variantes: la réparation en simple rang et le double rang. La vidéo précédente était le double rang, pour deux points de suture on emploie quatre ancres et on applique le tendon sur l’os à l’aide des bandelettes tendues entre les deux rangs. La vidéo suivante montre une suture en simple rang.

 

Le simple rang vu ci-dessous est la variante rapide: on accroche le tendon, on ferme les yeux et on espère qu’il cicatrisera sans être applique sur l’os. Son avantage c’est la rapidité et la facilité car on évite le deuxième rang qui est toujours le plus technique et laborieux, mais sa fiabilité médiocre en matière de cicatrisation a finit par la marginaliser.

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Eh oui, on écoute de la musique pendant qu'on vous opère.  Voici un fragment de notre playlist

ET APRÈS ?

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Ensuite vous allez vous réveiller avec votre écharpe et on va se mettre a attendre.

 

La douleur post opératoire fait peur à tout le monde et il suffit d’entendre quelqu’un qui vous raconte comment rien n’arrivait à la soulager pour vous mettre à douter sérieusement de votre choix de vous faire charcuter.

 

Pourtant la solution qu’on a trouvé est aussi simple qu’efficace.

 

Nous avons l’habitude de poser les questions selon une certaine méthode, surtout sur la douleur. A une époque, la majorité de mes patients avaient mal et quand on les retrouvait crispés dans leurs lit, la question naturelle était: Sur une échelle de 1 à 10, à combien estimez-vous votre douleur ? Si vous voulez un anti douleur qui vaut plus qu’un doliprane il faut dire 10, tout le monde le sait. Alors 10, disaient mes pauvres patients.

 

Un jour, Stella, mon infirmière qui faisait la visite avec moi à improvisé: ou est-ce que vous avez mal monsieur? Quelle question! les gens ont mal là où on les a opéré, mais surprise: le patient nous montre son trapèze supérieur. Avec le gros pansement qu’il avait, je me suis dit qu’il se trompait, mais il avait vraiment mal au trapèze et pas tellement à l’endroit ou je l’avais opéré.

 

J’ai reposé la question à tous les patients par la suite et j’obtenais toujours la même réponse: la douleur vient du trapèze supérieur et du deltoïde inférieur, donc bien loin du site opératoire.

 

En réfléchissant, c’était plutôt logique, une vois qu’on a enlevé la bourse sous acromiale, il n’y restent pas beaucoup de terminaisons nerveuses pour transmettre la douleur.

 

Je m’étais mis alors à leur prescrire des relaxants musculaire, mais sans grand succès. On a réussi enfin a obtenir la percée tout simplement en expliquant aux patients ce qui leur faisait mal et en leur demandant d’essayer de relâcher les deux muscles, l’effet est immédiat.

 

La plupart des patients, pourtant, n’y arrivent pas aussi facilement. Si je vous demande de les relâcher en ce moment il y a des fortes chances que vous fronces les sourcils, bougez un peu l’épaule sans comprendre comment on fait. Si, par contre, vous venez de subir une chirurgie, avez le bras immobilisé, vous êtes encore un peu dans les vapes car il vous restent quelques dernières traces de produits de l’anesthésie générale et les deux muscles font déjà des contractures très douloureuses, je peux vous faire tous les dessins, vous n’y arriverez point.

 

Alors c’est pour cela que je vous ai fait l’ordonnance de kinésithérapie pré opératoire, cet apprentissage doit se faire bien avant et qui de mieux pour le faire qu’un kinésithérapeute (ou un sophrologue, mais je n’aime pas le dire à haute voix).

 

Si vous avez eu vos séances de kinésithérapie avant l’intervention, vous avez alors appris à détendre vos grands muscles autour de l’articulation et pendant les premiers jours on devrait pouvoir contrôler confortablement la douleur par quelques anti douleurs modérés.

 

Et ensuite on se met a attendre que le tendon cicatrise (ou l’os, selon préférence).

 

Pendant ce temps le muscle attaché à ce tendon devient l’ennemi principal car il est le seul capable de tout défaire. On met tout en œuvre pour s’assurer qu’il ne tirera dessus pendant les 6 premières semaines, puis quand il collera déjà un peu à l’os, on le laissera le faire avec la plus grande délicatesse.

 

Ma sensibilité concernant les exercices pendulaires devient particulièrement aiguë pendant cette période. Si le reste du temps, c’est un passe temps parfaitement inutile et agréable, durant les 6 premières semaines post opératoires il peut être dangereux pour le tendon du sus épineux qu’on vient de réparer car c’est lui qui est le plus mis en traction par son muscle.

 

A force d’avoir le bras immobilisé, puis interdit de bouger, votre articulation a tendance a devenir raide et la raideur est une vraie catastrophe articulaire. Pour cette raison on doit mobiliser l’épaule de temps en temps et cela se fait le mieux au cabinet de kinésithérapie. Les séances redémarrent vers à peu près une semaine postopératoire.
 

Au bout de trois mois, une fois qu’on considère qu’il est bien cicatrisé on arrive enfin au vrai objet de toute cette longue démarche: on doit faire fonctionner le muscle.

 

Typiquement à ce stade vous devriez arriver à monter toute seule le bras ver l’avant un peu au dessus du plan horizontal, ce qui fait une centaine de degrés d’amplitude, mais il n’y a pas vraiment de règle, ni de course à chrono. Si vous avez du retard, vous aurez le temps de le rattraper.

 

A priori vous auriez du déjà récupérer l’intégralité de votre souplesse capsulaire en passif, mais il peut y rester certaines amplitudes légèrement réduites que votre rééducateur achèvera dans les semaines qui suivent.

 

Vous ne devriez plus avoir mal au repos, ni la nuit, mais rappelez vous que la douleur est le résultat du contact anormal de la tête humérale entraînée par le deltoïde contre l’acromion. Votre muscle est bien attaché désormais, mais ça fait un bail depuis qu’il ne fonctionne plus, il ne lui en reste pas grande chose comme masse musculaire et le centre moteur cérébral qui le commandait lui a mis une croix dessus depuis longtemps.

 

Si vous décidez que c’est le bon moment de finir de peindre les volets que vous avez été obligé d’abandonner quand votre épaule s’était mise à vous faire mal, vous allez vite le constater: le muscle ne fait toujours pas son boulot, la tête monte sous la traction du deltoïde et la douleur se réinstallera progressivement.

 

Le fait d’avoir désormais une jolie IRM ne suffit pas, il faut également faire fonctionner le ou les muscles et ce fonctionnement doit se faire selon une chorégraphie parfaite. La «vraie» kinésithérapie commence là.

 

Tout ça a l’air logique et assez bien chronométré, alors pourquoi ne pas l’avoir fait d’emblée? Pourquoi attendre, voir si la douleur passe avec juste la kinésithérapie alors qu’on aurait pu réparer la coiffe du premier coup, puis attaquer la kiné avec tous les tendons déjà attachés?

 

Il y a plusieurs raisons pour cela.

 

Typiquement je n’ai pas de place de suite sur mon programme opératoire et de toute manière j’ai besoin de vous faire faire quelques séances de kinésithérapie avant pour éviter de vous opérer sur une articulation partiellement raide et afin de vous apprendre à bien relâcher vous muscles péri articulaires pour les raisons susmentionnés. Cela sert aussi un autre objectif important: vous avez ainsi eu le temps de trouver un kiné qui accepte de vous prendre en charge et vous avez vos séances post opératoires réservées.

 

Puis, ça reste une chirurgie. Mini invasive, c’est vrai, mais une chirurgie quand même, qui malgré son élégance restera toujours un événement soumis à un certain risque. Un risque de plus en plus faible avec toutes les avancées en matière de prévention des infections et des complications anesthésiques, mais qui ne pourra pas être zéro. Je ne pourrais rien vous garantir, à part le fait que je tirerai le meilleur résultat que je peux.

 

La complication la plus fréquente c’est le Syndrome Douloureux Régional Complexe de type 1, appelé anciennement l’Algodystrophie. Entre 3% et 6% de tous les patients qui ont été opérés ou reçu une infiltration risquent de le développer. La raison pour laquelle on vous donne la vitamine C avant et après l’intervention c’est justement celle-là, c’est la seule méthode de prévention connue. Cela n’annule pas le risque, mais le diminue d’une manière significative.

 

Alors même si les complications sont assez exceptionnelles, cela justifie une certaine méfiance vis à vis de la chirurgie et à travers cette optique, le choix de vivre confortablement avec un tendon à moitié rompu n’est pas nécessairement mauvais.

© 2020 par Dr Roman MARCHITAN

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